Agriculture bas carbone : la vision du Shift Project pour l’emploi et la formation
Les enjeux emploi-formation dans le secteur agricole sont des leviers incontournables pour réussir la transition écologique. Quel est l’impact de cette dernière sur l’emploi ? Quelles compétences seront nécessaires pour l’accompagner ? The Shift Project explore ces questions et propose des recommandations pour mieux anticiper les évolutions du secteur.
À long terme, une économie bas-carbone plus favorable à l’emploi agricole ?
Selon The Shift Project, l’érosion de l’emploi agricole sera plus modérée que les tendances passées. Son analyse se base sur un « scénario de conciliation » qui vise à respecter les objectifs climatiques et énergétiques tout en renforçant la résilience du secteur agricole.
Dans ces travaux, le think tank évalue l’impact de l’évolution des surfaces cultivées et des cheptels sur l’emploi agricole en 2050, en supposant une structure d’emploi inchangée. Il a ainsi réalisé une projection de l’évolution des effectifs agricoles par filière, en comparant la situation actuelle à celle de 2050. Il conclut à une baisse de 10 %, d’ici à 2050, de l’emploi agricole. Aussi, chaque année, entre 2025 et 2050, l’emploi agricole devrait diminuer de 0,4 % en moyenne. Néanmoins, cette baisse devrait se faire à un rythme moins soutenu que celui observé entre 2010 et 2020 (-1,1 % par an).
Mobilisée dans le rapport du Shift Project, l’étude Métiers 2030 de la Dares et de France Stratégie confirme également l’impact positif de la transition écologique sur l’emploi agricole. Dans un scénario basé sur une économie bas carbone, 16 000 emplois seraient préservés, au niveau national, d’ici à 2030.
Former plus, diversifier les profils et développer de nouvelles compétences pour réussir la transition écologique
Au regard des tendances démographiques, il convient d’anticiper le renouvellement d’une partie importante des effectifs travaillant dans le secteur agricole. Cela implique une augmentation conséquente des effectifs formés et la mise en place de politiques d’installation adaptées.
En outre, le rapport énumère un ensemble de compétences jugées nécessaires pour que les professionnels du secteur conduisent la transition du secteur agricole. Elles sont découpées en 2 grandes catégories :
- Compétences transversales : permettent une réflexion globale sur l’écosystème agricole de manière globale et sont applicables à toutes les filières et types d’exploitation agricoles. Elles sont essentielles à l’action technique et intègrent des savoirs sur la gestion de l’eau, sur la résilience économique, sur les conditions environnementales…
- Compétences ciblées : sur des systèmes, filières ou des pratiques agricoles spécifiques, destinées à une partie des agriculteurs. Ces compétences comprennent des savoirs sur l’agriculture biologique, l’agroéquipement, la production animale et végétale…
Le groupe de travail Emploi et Formation du Shift Project met à disposition, dans un tableur, une liste de compétences qu’il juge nécessaires pour que les professionnels du secteur mènent la transition du secteur agricole.
Cette montée en compétences concerne toutes les voies de formation :
- La formation initiale ambitionne d’augmenter de 30 % les effectifs formés d’ici à 2030, notamment grâce au développement de l’apprentissage.
- La formation continue, essentielle pour accompagner la transition agroécologique, nécessite une actualisation régulière des compétences en phase avec les avancées de la recherche, qu’elle soit académique ou issue du terrain
Enfin, les formations agricoles accueillent des profils de plus en plus divers, majoritairement non issus du milieu agricole. Portés par une volonté entrepreneuriale, ces nouveaux arrivants apportent un nouveau regard, propice à l’innovation. Il est essentiel de valoriser cette diversité, qui représente un atout majeur pour la transition vers un modèle agroécologique plus durable.
Les recommandations du Shift Project pour l’emploi et la formation
Côté emploi :
- Définir les objectifs pour l’agriculture et leurs impacts sur l’emploi. Pour réussir la transition, il est indispensable que le cadre économique soit en phase avec l’ambition affichée. Pour changer les pratiques, il faut clarifier les objectifs pour l’agriculture, garantir la sécurité économique des exploitations, anticiper les besoins en compétences ;
- Maintenir le nombre d’actifs agricoles en rendant les métiers agricoles plus accessibles et attractifs. Cela passe notamment par une revalorisation de la rémunération des agriculteurs, en particulier des moins favorisés, ainsi que par une amélioration des conditions de travail des salariés (réduction du temps de travail et augmentation des salaires).
Côté formation :
- Pour la puissance publique : il faut une stratégie claire, des financements adaptés et une mise à jour des certifications et diplômes pour accompagner l’évolution du secteur ;
- Pour les établissements de formation initiale : implication de toutes les équipes, formation des enseignants aux défis écologiques, promotion de méthodes pédagogiques innovantes, etc ;
- Pour les organismes de formation continue : proposer des formations accessibles sur tout le territoire et adaptées à tous les professionnels, tout en développant des certifications et en renforçant le réseau des organismes pour mutualiser les ressources et les pratiques ;
- Les coopératives et les industriels expriment un besoin croissant de professionnels mieux formés aux enjeux écologiques. Pour y répondre, il est essentiel de renforcer les liens entre la formation, la recherche et les producteurs pour favoriser l’adoption de pratiques agroécologiques adaptées aux réalités de terrain.
Ce rapport thématique sectoriel agricole complète le précédent rapport « Vers des économies régionales bas-carbone : une expérimentation en Bretagne », publié par le Shift Project en 2024. Les préconisations de ces travaux sont particulièrement importantes pour la Bretagne, région agricole majeure.