Formation professionnelle. Un investissement ?
Lors du premier adversaire de la loi « Pour la liberté de choisir son avenir professionnel » organisé au Medef, Muriel Pénicaud, ministre du Travail, a dévoilé à demi-mot un projet du Gouvernement : donner la possibilité aux entreprises d’amortir une partie des 15 milliards d’euros qu’elles consacrent chaque année à la formation professionnelle en considérant cette dernière comme un investissement au même titre que l’achat d’une machine. Les entreprises pourraient amortir, sur 3 à 5 ans, leurs dépenses de formation réalisées au-delà du 1 % de la masse salariale légal, soit près de 7 milliards d’euros annuels. Le projet a ses partisans (Medef, FFP, la fédération Syntec) et ses détracteurs, dont les commissaires aux comptes. Qu’en pensent les économistes ? La formation est-elle un investissement ?
L’idée a germé dans les années 1960 chez Gary Becker, futur prix Nobel, qui a formalisé la théorie du capital humain. En 2009, Patrick Aubert, Bruno Crépon et Philippe Zamora, 3 chercheurs, concluent une étude sur le sujet en disant que les « salariés ne récupèreraient sous forme de salaire qu’une partie, [estimée] de 30 à 50 %, des gains de productivité permis par la formation ».
Alexandre Léné, maître de conférence à l’université de Lille, estime pour sa part qu’il « n’y a pas d’automaticité entre investissements en formation et bénéfices pour l’entreprise. Cela dépend de la nature des formations, de l’organisation de l’entreprise ». Seules les formations rendant les salariés plus polyvalents augmentent la productivité de l’entreprise. Mais tout dépend de l’organisation de cette dernière. Et les impacts de la formation sont décuplés quand ils s’accompagnent « d’investissements dans les nouvelles technologies et de changements organisationnels ».
Seule certitude : « la formation entraîne des effets indirects au-delà du cadre de l’entreprise. Ainsi, la formation en entreprise peut contribuer à accroître la probabilité de retrouver un emploi, réduisant de cette manière le montant versé par l’assurance-chômage », écrivait Marc Ferracci, conseiller de la ministre du Travail, en 2013.