Jeunes ruraux sans diplôme : une insertion entre précarité et résilience

 

Isolement géographique, fort attachement à la valeur du travail, emplois disponibles localement, mais souvent précaires, rejet de l’assistanat : les jeunes ruraux sans diplôme constituent un défi complexe pour l’insertion professionnelle.

Le Céreq, dans sa revue Bref, explore les réalités professionnelles de la jeunesse rurale.

Les jeunes sans diplôme en milieu rural sont pris au piège d’une précarité persistante. Publiée en février 2025 dans la revue Bref du Céreq, une synthèse de l’étude sociologique de Clément Reversé, chercheur au CERTOP, met en lumière une jeunesse qui peine à s’insérer de manière durable sur le marché du travail. S’appuyant sur des entretiens menés avec des jeunes non diplômés et des professionnels de l’insertion et de l’emploi en Creuse, Charente et Gironde, elle révèle les logiques d’enfermement des jeunes dans des cycles de travail précaire et d’instabilité professionnelle. Ces mécanismes se traduisent par des situations dans lesquelles, en territoire rural, l’emploi seul ne suffit pas à sortir de la pauvreté, car l’isolement et le manque d’infrastructures aggravent leurs difficultés. 

Une fragilité structurelle des jeunes en milieu rural

Bien qu’ils travaillent autant que leurs homologues urbains, l’absence de diplôme cantonne les jeunes ruraux à des emplois précaires et mal rémunérés, instaurant ainsi une fragilité structurelle. Selon l’enquête publiée en 2020 et portant sur la Génération 2017, 18 % des jeunes ruraux non diplômés connaissent un accès récurrent aux emplois à durée déterminée (EDD) contre 12 % des jeunes urbains. Ils décrochent également, en moyenne, leur premier emploi en 11 mois, soit deux mois plus rapidement que les urbains non diplômés. Ces postes sont essentiellement des contrats saisonniers ou des missions d’intérim qui renforcent l’absence de sécurisation des parcours professionnels. 

Un attachement au travail qui nourrit l’instabilité 

Le travail est un important marqueur identitaire chez les jeunes enquêtés. Vecteur d’intégration et de reconnaissance sociale, cet attachement se traduit par un rejet profond des aides sociales, perçues comme une atteinte à leur dignité. Les extraits d’entretiens recueillis par Clément Reversé témoignent de l’acceptation d’emplois sous-payés ou sans rémunération officielle, plutôt qu’une dépendance des dispositifs de soutien. La méfiance vis-à-vis des aides financières, perçues comme un aveu d’échec, expose les jeunes ruraux sans diplôme à une insécurité matérielle qui les prive de toute possibilité de stabilisation. 

La disponibilité au détriment de la stabilité

Pourtant, ces dynamiques ne sont pas uniquement le résultat d’un manque de qualifications, mais bien d’un modèle qui repose sur la précarité. Dans certaines zones rurales, les opportunités d’emploi stable se font rares et les réseaux d’entraide traditionnels, qui permettaient autrefois une insertion progressive, s’érodent. La concentration de l’activité économique autour des grandes agglomérations accentue cette fragilité.  

Le marché du travail rural, s’appuyant en grande partie sur des secteurs saisonniers comme l’agriculture, l’industrie ou les services à la personne, a intégré cette jeunesse comme une main-d’œuvre disponible, flexible et temporaire 

Pour les jeunes ruraux sans diplôme, l’insertion se fait alors dans l’instabilité, dans des postes transitoires et sans perspective de pérennisation. Loin de garantir une ascension sociale, ces conditions renforcent leur vulnérabilité et les condamnent à une précarité durable. 

Vers des solutions adaptées aux réalités rurales

Cette étude met en lumière la nécessité d’une approche différenciée des politiques d’insertion professionnelle en milieu rural afin de lutter contre la précarité des jeunes, notamment en repensant les formations, en adaptant l’offre aux besoins locaux, en renforçant l’accompagnement et en améliorant la concertation entre employeurs, collectivités et structures d’insertion. 

Si l’accès au diplôme reste un facteur clé d’insertion, il ne peut être la seule réponse aux défis rencontrés par ces jeunes. Il apparaît donc essentiel de repenser les politiques d’insertion en intégrant les réalités du monde rural, afin que ces travailleurs puissent avoir des alternatives viables à la précarité et pleinement contribuer au dynamisme de leur territoire. 

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