« La formation en prison est une étape fondamentale dans la lutte contre la récidive »

Adeline Michel, responsable de formation au CLPS de Brest, intervient depuis 2021 au sein de la maison d’arrêt de Brest. Cette ancienne professeure des écoles, avant une reprise d’études dans l’ingénierie de la formation, prépare les personnes détenues au certificat CléA. Ses ateliers comptent entre 6 et 8 stagiaires par groupe. Découvrez son univers professionnel et les spécificités de sa fonction en milieu fermé.

Quelles sont les différences majeures entre exercer le métier de formateur en milieu carcéral et l’exercer en milieu « ouvert » ?

Dans notre centre de formation, le métier de formateur à destination d’un public parfois éloigné de l’emploi ou des codes professionnels fait partie intégrante de notre savoir-faire. À ce titre, le métier de formateur en milieu carcéral ou plus ordinaire connaît des convergences dans l’accompagnement des stagiaires.

Cependant, il existe effectivement des différences majeures, au-delà du contexte particulier lié à la détention. Il s’agit pour les formateurs de porter les enjeux de dispositifs de formation dans un lieu où il n’est pas entouré de ses collègues habituels et dans lequel les règles et consignes de fonctionnement sont au cœur du quotidien.

Cela nécessite des propositions organisationnelles adaptées, dans lesquelles le formateur apporte des contenus pédagogiques cohérents et opérationnels qui engagent les attendus des dispositifs de formation tout en respectant les contraintes matérielles et de sécurité.

Concrètement, le nombre de stagiaires par groupe est limité, avec des profils hétérogènes, mais qui connaissent des préoccupations similaires, qui vivent une expérience d’intention de réinsertion dans un contexte très particulier. Les échanges liés aux contenus de la formation en sont influencés, et parfois d’une grande intensité.

La formation en détention peut permettre, dans ce contexte, de retrouver une place sociale, de reprendre confiance en ses compétences, d’envisager l’avenir en se projetant dans un projet réalisable et concret. Cet ensemble d’éléments est particulier à la formation en milieu carcéral, l’individu s’y inscrit comme « stagiaire de la formation professionnelle » et non comme personne détenue.

L’impulsion du formateur est déterminante, le travail en détention s’articule entre les contenus pédagogiques et la mise en mouvement des projets de réinsertion. A ce titre, c’est une étape qui peut s’avérer fondamentale dans la lutte contre la récidive.

Faut-il des compétences spécifiques pour exercer en prison ?

Le formateur doit trouver sa place entre son implication personnelle, les attentes des stagiaires et les contraintes particulières du milieu. Il faut savoir faire preuve de prise de recul, garder son calme et son énergie lors des moments difficiles pour ne pas se laisser submerger.

De plus, il fera face à des situations imprévues dans lesquelles il n’aura pas la présence immédiate de l’équipe pédagogique ou de son responsable. Le formateur doit travailler en pleine collaboration avec l’administration pénitentiaire, les surveillants, le Service pénitentiaire d’Insertion et de Probation (SPIP) et savoir réagir en cas de nécessité. En tant qu’intervenant extérieur, nous avons accès à des journées de sensibilisation au milieu carcéral. Cela facilite les liens et le bon suivi des procédures.

Quelles sont les contraintes matérielles et pédagogiques rencontrées en milieu carcéral ?

Du point de vue du formateur, il faut veiller à bien préparer les photocopies et autres documents, adaptés et actualisés. Alors qu’aujourd’hui les formats numériques en formation permettent des innovations pédagogiques, nous ne pouvons pas tous les exploiter dans les murs des prisons.

Le formateur doit pouvoir anticiper, faire face à d’éventuels imprévus et avoir toujours “un coup d’avance” sur les apprentissages. Les contraintes horaires ont aussi leur importance, pour Brest la formation a lieu de 7 h 30 à 13 h 30. Pour le formateur, l’anticipation est donc fondamentale, avec une diversification des propositions pédagogiques au cours d’une même séance.

Comment les détenus, accèdent-ils à votre formation (informations, sélections…) ?

La motivation à l’entrée en formation est une préoccupation majeure dans les processus de recrutement. Le candidat doit exprimer son intérêt, puis y rester fidèle s’il est retenu. La nature de la démarche est volontaire et doit se conformer aux attendus de la formation.

Y a-t-il des problématiques spécifiques liées à la détention pendant vos formations ?

La place du formateur est très particulière : il n’est pas surveillant ni lié à l’administration pénitentiaire, mais son activité en est dépendante. La relation veut laisser la place à l’individu – sans entrer dans des formes de familiarités, elle veut permettre la confiance – en restant vigilant. C’est une ligne d’équilibre fine, dans laquelle cela ne peut fonctionner que si la personne détenue et le formateur incarnent leur rôle qui s’inscrit dans la dynamique de la réinsertion. Dans ce cadre, en collaboration avec l’administration pénitentiaire, nous procédons parfois à des exclusions des personnes si elles ne respectent pas les règles et qu’elles empêchent la formation de celles qui sont motivées.

Avez-vous la possibilité d’échanger avec vos pairs ou d’autres organismes de formation intervenant en prison ?

Nous travaillons en équipe, par dispositif, mais aussi en collaboration étroite avec les autres partenaires de la maison d’arrêt (France Travail, Mission Locale, SPIP…). Les intervenants en milieu carcéral de notre organisme de formation bénéficient d’une analyse de pratique spécialisée, pour notre site de Brest.