Le Shift Project dévoile sa feuille de route pour une économie bretonne bas-carbone

Comment concilier la décarbonation de l’économie bretonne avec la création d’emplois ? Comment la formation professionnelle doit-elle s’adapter à ces nouvelles réalités ? Quelles opportunités pour les territoires ?

Un rapport du Shift Project expose des clés d’arbitrage pour une planification réussie, réaliste et ambitieuse.

Le Shift Project a présenté le résultat de son étude « Vers des économies régionales bas-carbone : une expérimentation en Bretagne » le 12 septembre 2024, à l’occasion du Forum Économique Breton. Groupe de réflexion, le Shift Projet œuvre en faveur d’une économie libérée de la contrainte carbone.

 

Le projet « Vers des économies régionales bas-carbone » (VERB) a pour intention d’outiller les acteurs régionaux pour une décarbonation cohérente et créatrice d’emplois. Il se veut complémentaire aux travaux menés par le Secrétariat général à la planification écologique (SGPE). Le choix de la Bretagne comme cas d’étude ne repose pas sur une priorisation sectorielle, mais sur l’enthousiasme des acteurs de la région pour servir de territoire d’expérimentation. Après avoir été testée en Bretagne sur des secteurs clés, la méthode VERB a vocation à être utilisée dans tous les secteurs et toutes les régions.

 

Le périmètre sectoriel du rapport couvre 17 % de l’emploi et quasiment 2/3 des émissions directes et de la consommation énergétique finale de la Bretagne. Cinq domaines d’activité ont été analysés :

  • Mobilité quotidienne et industries de la mobilité
  • Transport de marchandises (« fret »)
  • Logement
  • Agro-industrie
  • Culture (focus festivals)

 

Pour chaque secteur, le Shift Projet expose les enjeux clés d’arbitrage, les risques et opportunités en termes d’emploi. Il formule également des recommandations pour coordonner les actions à mener.

Trois secteurs font l’objet de quantifications précises : le logement, la mobilité et le fret. Les arbitrages énergie-climat proposés par le Shift Project permettraient de réduire de manière drastique leurs émissions de gaz à effet de serre : de plus de 50 % d’ici à 2030 et de près de 99 % à horizon 2050.

Industries de la mobilité : une opportunité pour l’ensemble du territoire

La transition vers une mobilité durable repose sur des changements d’usages (télétravail, vélo, transports en commun…) et représente une opportunité pour relocaliser et créer des entreprises, notamment dans la production de vélos, de véhicules électriques et le recyclage des batteries. Les compétences et infrastructures de l’industrie automobile bretonne peuvent être réorientées vers ces nouvelles activités. Bien que la décarbonation affecte l’industrie automobile traditionnelle en termes d’emplois, elle ouvre des perspectives dans des secteurs à faible intensité en capital et plus durables. D’après les calculs du Shift Project, cette transition pourrait créer 15 000 emplois nets d’ici à 2050 : 5 000 dans l’industrie et 10 000 dans la réparation/vente. Il faut ajouter à cela 6 000 emplois supplémentaires de conducteurs de cars et de trains régionaux.

Visuel GREF

Développement du rail : la Bretagne prend le virage vert !

En Bretagne, 95 % des marchandises sont acheminées par route et 5 % par rail (contre 9 % au national). Les voies fluviales ne sont quasiment pas exploitées en raison d’absence d’infrastructures pour le fret. Un report modal vers le maritime côtier (ex : cabotage entre Brest et Saint-Malo) pourrait être envisagé pour certaines marchandises, bien que le rail soit une solution plus opérable à court terme.

Pour décarboner le fret, l’électrification des routes et le développement du ferroviaire sont prioritaires. Le plan régional « Faire Fer » vise à multiplier par de marchandises. Cette volonté, couplée à la formation des professionnels du secteur, pourrait atténuer, en partie, le déclin de l’emploi dans le transport routier. Le renouvellement du parc de véhicules (échéance de 10 ans) et l’intégration de nouvelles compétences, comme l’écoconduite, sont nécessaires. La cyclologistique, en forte croissance, pourrait créer 14 000 emplois d’ici à 2050, notamment pour les livraisons en ville.

Moins de construction, plus de rénovation

L’utilisation accrue de matériaux locaux et biosourcés pourrait avoir un impact positif en créant des emplois locaux et non délocalisables. En parallèle, une politique visant à limiter la construction de nouvelles résidences secondaires serait bénéfique pour alléger la pression sur le secteur du logement principal, tout en répondant aux enjeux énergétiques et climatiques. Cette transition vers la rénovation et la réhabilitation des logements existants demande une réorientation du secteur du bâtiment. Le besoin de main-d’œuvre dans la construction neuve pourrait diminuer. La rénovation, plus exigeante en main-d’œuvre qualifiée, nécessitera des programmes de formation continue adaptés et un accompagnement renforcé des professionnels. Le Shift Project préconise également d’augmenter le nombre de formations initiales vers ces métiers et d’attirer de nouveaux profils.

Vers une réorientation de l’agro-industrie bretonne

Avec près de 250 000 emplois, le système alimentaire breton est un pilier économique. La transition énergie-climat devra être anticipée pour éviter de lourdes répercussions sociales et économiques, particulièrement dans les territoires dépendants de ce secteur. Les 58 000 salariés du secteur agro-industriel disposent d’un savoir-faire reconnu et d’outils de transformation de qualité, offrant un potentiel de développement. Selon le Shift Project, les besoins de main-d’œuvre et les départs à la retraite massifs à venir sont l’opportunité de pousser à imaginer et anticiper une transformation vers un déploiement accru de filières végétales.

La multiplication de petits festivals : une aubaine pour l’économie locale

La concentration de festivals en Bretagne en font un marqueur identitaire. Cette force symbolique peut être d’autant plus utilisée comme un levier pour atteindre les objectifs de décarbonation. Le Shift Project souligne que la croissance de la fréquentation augmente les émissions et les risques économiques. La multiplication de plus petits festivals et l’augmentation de la part des fournisseurs régionaux permettraient de créer des emplois non délocalisables et de renforcer l’économie locale. Le développement de nouvelles offres de mobilité, la gestion de l’approvisionnement local et la mise en place de démarches écoresponsables demanderont une adaptation des compétences et des pratiques des acteurs de la culture.

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