L’insertion par l’activité économique, un dispositif pluriel, appelé à évoluer
Evaluées il y a peu par l’Inspection générale des affaires sociales (Igas), les structures de l’insertion par l’activité économique (SIAE) accompagnent les personnes éloignées de l’emploi dans le cadre de parcours individuels et collectifs. Qui sont leurs bénéficiaires ? Comment optimiser leur accompagnement socioprofessionnel ? Quelles évolutions dans la perspective de France Travail ?
Inégalement réparties sur le territoire national, les SIAE sont spécialisées dans les activités professionnelles
En France, les structures de l’insertion par l’activité économique (SIAE) regroupent plusieurs types d’organisations : les ateliers et chantiers d’insertion (ACI), les entreprises d’insertion (EI) les associations intermédiaires (AI) et les entreprises de travail temporaire d’insertion (ETTI). Elles diffèrent les unes des autres par la nature des activités professionnelles proposées, leur taille, la durée de l’accompagnement et le profil des bénéficiaires. Elles se distinguent aussi par leur mode de fonctionnement : les ACI et EI emploient directement leurs bénéficiaires, les AI et ETTI, procèdent à des mises à disposition auprès d’entreprises ou de particuliers dans le cadre de missions, qui implique un certain degré d’autonomie des personnes recrutées.
Les ACI sont plutôt mobilisées sur les activités agricoles (espaces verts et naturels) indique l’étude de la Dares. Les EI ciblent les services à la personne et aux collectivités (propreté, nettoyage), tout comme les AI. Enfin, les ETTI sont plus axées sur le transport-logistique, le BTP et l’industrie.
Source : L’insertion par l’activité économique en 2021 : forte hausse des entrées. Dares résultats, n°13, 02/23
Les ateliers, chantiers et entreprises d’insertion travaillent plutôt auprès des demandeurs d’emploi de longue durée. C’est pourquoi leur durée moyenne d’accompagnement, comprise entre 11 et 12 mois, est plus longue que celle des autres SIAE.
Inégalement réparties sur le territoire, les SIAE n’ont pas toujours une offre en adéquation avec les besoins socioéconomiques du territoire, observe le rapport de l’Igas.
Profil des bénéficiaires de l’IAE
Selon l’étude de la Dares, en 2021, en France, 182 700 personnes sont entrées dans un parcours d’insertion via une structure de l’IAE, majoritairement dans un atelier/chantier d’insertion (ACI) ou dans une association intermédiaire (AI). Les bénéficiaires sont plutôt des hommes (60 %), jeunes (1/4 ont moins de 26 ans et 56 % ont entre 26 et 49 ans), faiblement diplômés (3/4 ont un niveau inférieur ou égal au CAP-BEP), demandeurs d’emploi de longue durée, allocataires de minima sociaux (38 %) et habitant les quartiers prioritaires, complète l’Igas.
Des différences sexuées s’observent cependant selon les SIAE. Les ETTI, très orientées sur le BTP, emploient 80 % d’hommes quand les associations intermédiaires, plutôt ciblées sur l’aide à la personne, accompagnent 60 % de femmes.
Source : Source : L’insertion par l’activité économique en 2021 : Forte hausse des entrées. Dares résultats, n°13, 02/23
Chiffres clés en Bretagne
Près de 8 000
entrées
en 2021
5 500
bénéficiaires
en décembre 2021
+ 3 %
de bénéficiaires
fin 2021
Source : Poem
Des indicateurs d’évaluation qui ne reflètent pas l’accompagnement socioprofessionnel effectué par les SIAE
Source : Projets annuel de performance et rapports de performance du Programme 102 « Accès et retour à l’emploi » de la mission Travail Emploi (2019, 2020, 2021) – retraitement mission (Rapport Igas, 12/22)
L’Igas émet des suggestions pour objectiver les progrès réalisés en matière sociale par les salariés en IAE. En effet, les seules mesures du taux d’insertion à la sortie du parcours, et d’insertion dans l’emploi durable ne sont pas suffisants, ni pertinents, pour évaluer les résultats de l’IAE. Ces indicateurs doivent être revus pour mieux prendre en compte l’important travail d’accompagnement socioprofessionnel, actuellement non mesuré (encadrement technique, levée des freins périphériques à l’emploi tels que la mobilité, la santé, le logement, la maîtrise des compétences de base, etc.). Elle invite également à réaliser des rapprochements avec les branches et les entreprises des secteurs en tension et à bâtir une représentation unifiée du secteur de l’IAE, tant au niveau national que territorial. Il faut également faire de la formation « une étape incontournable du parcours en IAE ».
Pilier essentiel de l’employabilité, la formation est cependant absente de 60 % des parcours d’insertion
Selon l’IGAS, en 2020, seuls 40 % des salariés de l’IAE ont bénéficié d’une formation qui, dans 61 % des cas, était qualifiante ou préparait à un diplôme. Le taux d’accès à la formation varie selon les structures : 55 % des sortants d’ateliers et de chantiers d’insertion ont suivi une formation contre 27 % de ceux des associations intermédiaires.
Faiblement qualifiées pour la plupart, la formation est pourtant un outil au service de la réinsertion professionnelle des personnes accompagnées. Elle consolide les aptitudes sociales des apprenants, leur confiance en elles et renforce leur employabilité. 86 % des sortants de l’IAE formés en 2020 indiquent que la formation leur a été bénéfique.
Au-delà des éléments conjoncturels que furent le lancement du PIC, la création des Opco puis la crise sanitaire, le faible accès à la formation s’explique aussi par des freins persistants, tant côté des bénéficiaires (mobilité, autocensure, etc.) que des structures d’IAE (lourdeur administrative, reste à charge).
A noter, le PIC IAE a permis une « montée en compétences de l’ensemble de l’écosystème dont il conviendra d’évaluer si elle permet de lever l’essentiel des freins organisationnels relevés », indique l’Igas. Son rapport invite à expérimenter des dispositifs innovants tels que les Open badges (déjà déployés en Bretagne et en Centre-Val-de-Loire) mais d’autres SIAE ont également exploré l’Afest, créé des pré-qualifications aux métiers du travail social valorisant l’expérience associative et la vie en précarité, etc.
Un dispositif doté de moyens conséquents qui doit se réformer, notamment dans le cadre de France Travail
Malgré des investissements financiers conséquents (1,5 milliards d’euros en 2021), trois ans après le lancement du « pacte d’ambition pour l’insertion par l’activité économique (IAE) », l’IGAS dresse un bilan mitigé du secteur et propose, dans le cadre du chantier France Travail, des pistes d’améliorations pour son pilotage et sa gouvernance :
- la création d’un nouvel indicateur basé sur l’éloignement à l’emploi qui pourrait être assortie, ultérieurement, de modulations tarifaires,
- l’émergence d’un système d’informations agrégeant l’ensemble des données financières et de suivi des profils et des parcours des bénéficiaires,
- un rééquilibre de la distribution territoriale des ressources financières de l’IAE en fonction des publics accompagnés,
- des schémas départementaux de promotion sectorielle et territoriale de l’IAE,
- une évaluation systémique des progrès réalisés en matière sociale par les personnes inscrites dans des dispositifs d’insertion, .
- un recentrage du dispositif sur les personnes les plus éloignées de l’emploi, et plus particulièrement les bénéficiaires du Revenu de solidarité active (RSA) qui, en raison de divers freins administratifs et financiers, ne représentent que 6 % des salariés en insertion.
Sources :
L’insertion par l’activité économique : état des lieux et perspectives. IGAS, 12/2022
L’insertion par l’activité économique en 2021 : Forte hausse des entrées. Dares résultats, n°13, 02/2023