Numérique. Quand des détenus se forment au code
Première en France, l’association CodePhenix forme, depuis janvier, au centre de détention de Melun, des détenus au code. L’objectif : les réinsérer en les préparant au métier de développeur Front-End. Les stagiaires, âgés de 22 à 64 ans, « viennent de tous les horizons et la plupart n’ont aucune notion en informatique au départ », précise Brieuc Le Bars, le fondateur de l’association.
Après 6 mois de formation (initiation aux langages HTML, CSS et JavaScript), les apprenants réalisent des missions rémunérées pour des entreprises extérieures. Le secteur du numérique « est idéal pour les personnes éloignées de l’emploi [car] le rapport de force entre employeurs et salariés est inversé, avec 11 postes pour 1 candidature », indique Brieuc Le Bars.
La Fondation M6, dédiée à l’univers carcéral, poursuit les mêmes objectifs. Isabelle Verrecchia, sa délégué générale indique que « depuis des décennies le travail en atelier est surtout orienté vers la production industrielle et manufacturière. Elle est convaincue que l’offre de travail est « obsolète », « la prison française [étant] encore largement déconnectée des évolutions technologiques ».
Pourtant, ailleurs, d’autres se sont déjà lancés dans cette voie. Le premier atelier de codage a vu le jour en 2014 à la prison de San Quentin aux Etats-Unis. Face au succès rencontré, l’association qui l’a ouverte à créé une entreprise de développement web pour recruter les diplômés comme développeurs et ingénieurs en logiciel.
En France, le défi reste immense, notamment pour des raisons de sécurité. Internet restant interdit en prison, il a fallu « recréer une expérience de codage sans connectivité », précise Brieuc Le Bars. Face à cette contrainte, l’Institut Montaigne et la Fondation M6 plaident, dans un rapport de 2018, pour « une stratégie nationale de développement du numérique en prison ». Ils soulignent par ailleurs que « le numérique en détention reste largement un impensé de la politique pénitentiaire française, avec un accès « légal » à Internet très limité, les téléphones portables, pourtant strictement interdits, sont à l’inverse en pleine recrudescence et permettent aux détenus de naviguer sur Internet sans aucun contrôle ».