Dossier. Que contient le rapport France Travail ?
Dix principes clés – 99 propositions pour un objectif de plein emploi. Dans son rapport remis le 19 avril 2023, Thibaut Guilluy, haut-commissaire à l’Emploi, présentait les contours de France Travail. Décryptage.
Crédit photo : ministère du Travail, du Plein emploi et de l’Insertion
« Nous transformerons Pôle emploi en France Travail pour mettre en commun les compétences de Pôle emploi, celles de nos régions, des départements, des communes, des missions locales. » La transformation de Pôle emploi est une promesse de campagne présidentielle d’Emmanuel Macron faite lors de son discours d’Aubervilliers le 17 mars 2022.
À partir de 2024, Pôle emploi deviendrait France Travail, les Missions locales, France Travail Jeunes et Cap emploi, France Travail Handicap. Le rapport prévoit une mise en place progressive des propositions en vue d’une généralisation en 2027.
Au-delà de cette mutation, le document remis à Olivier Dussopt, ministre du Travail, du plein emploi et de l’insertion, synthétise les échanges menés à l’occasion de la concertation lancée en septembre 2022 et élabore des propositions pour dessiner les contours de la nouvelle entité.
Dix enjeux et 99 propositions
Le rapport pose dix principes clés et 99 propositions.
Objectifs : guider la réforme du service public de l’emploi (SPE) et atteindre plein emploi. « Dix enjeux et 99 propositions : le rapport se veut être une proposition de feuille de route opérationnelle », résume Thibaut Guilluy, haut-commissaire à l’emploi et à l’engagement des entreprises.
? Je réunissais aujourd’hui le comité des parties prenantes France Travail pour leur présenter le rapport de la mission de @ThibautGuilluy.
L’occasion d’échanger avec eux sur l’envergure de ce nouveau chantier pour l’amélioration de notre service public de l’emploi. pic.twitter.com/aPC4qSIow5
— Olivier Dussopt (@olivierdussopt) April 19, 2023
Inscription et diagnostic
« Plus personne au bord de la route ! », voilà ce qu’annonce le rapport dans son premier précepte.
Il y fait la promesse d’éviter les ruptures et d’orienter les demandeurs le plus rapidement possible vers l’emploi, la formation ou le parcours d’accompagnement le plus adapté à sa situation. Et cela devrait être rendu possible notamment grâce au principe d’inscription généralisée le plus tôt possible auprès de France Travail.
Ce futur système est présenté comme « la porte d’entrée pour l’ensemble des personnes en recherche d’emploi. »
Concrètement, l’inscription se fera en ligne, sur un portail commun, ou auprès des guichets physiques de France Travail, voire de ses partenaires. Elle reposera sur des procédures communes et des outils partagés. Suivi par un référent d’accompagnement, le demandeur d’emploi devra signer un « contrat d’engagement ».
15 à 20 heures d’activité, accompagnement, et référent unique
Le rapport met ensuite l’accent sur l’accompagnement : « France Travail proposera d’harmoniser progressivement les pratiques entre professionnels en coconstruisant avec l’ensemble des acteurs un socle d’engagements et de services communs pour toutes les personnes ayant besoin d’un emploi. »
Les allocataires du RSA suivront un accompagnement intensif. S’ils en ont besoin, ils devront effectuer 15 à 20 heures d’insertion par semaine sous forme de formation, d’atelier CV, de stage en entreprise…
Le document précise : « Les modalités de mise en œuvre des parcours d’accompagnement des allocataires du RSA seront expérimentées dans le cadre des pilotes départementaux. Des évaluations d’impact seront conduites pour éclairer les bonnes pratiques et préciser les modalités de leur généralisation progressive d’ici 2027. »
Un contrat d’engagements réciproques France Travail
Le troisième sujet est celui du « contrat d’engagement », un dispositif au cœur du nouveau système.
Le rapport souligne : « Chaque personne inscrite à France Travail signera un contrat d’engagement au début de son parcours où les engagements de tous seront vraiment suivis. » Il y sera spécifié les objectifs et les engagements réciproques pris pour les atteindre ainsi que l’ensemble des obligations des parties.
Parmi-elles : assiduité, réalisation d’actes, déclarations…
En cas de non-respect de ses engagements, le demandeur d’emploi pourra faire l’objet de sanctions. Aux sanctions prévues dans les textes actuels (allant de la suppression partielle de l’allocation à la radiation de la personne) pourrait s’ajouter une « suspension remobilisation ». Elle serait rapidement applicable et aurait pour ambition « une meilleure progressivité des sanctions », « l’assurance que toute mise en place d’une allocation se conjugue bien avec le démarrage d’un accompagnement permettant le retour à l’emploi ».
Objectif emploi durable
France Travail repose aussi sur l’aide au recrutement dans les entreprises.
L’idée est de recruter plus simplement, plus rapidement et de s’ouvrir à tous les talents possibles pour plus d’emplois durables. Pour cela, le dispositif prévoit, pour chaque entreprise qui le souhaite, un interlocuteur privilégié.
En pratique, le nouveau service public de l’emploi mettra notamment à disposition une plateforme de services numériques entre tous les acteurs du réseau France Travail, dont les opérateurs de compétences (OPCO), les chambres consulaires, les services des collectivités, les opérateurs privés de placement…
Cela devrait non seulement permettre de centraliser le dépôt d’offres, de mettre en commun l’offre de services et d’accéder à la « banque de profils ». La mission ambitionne aussi de mieux cibler les offres d’emploi et les candidats possibles.
Mieux répondre aux besoins demandeurs d'emploi et des entreprises
Le rapport attire par ailleurs l’attention sur l’importance d’une offre de formation coordonnée aux besoins des entreprises et des demandeurs d’emploi. Pour y pallier, la mission propose, par exemple, un diagnostic des compétences dès l’entrée du parcours. Ainsi renforcé, il permettrait de « détecter les besoins en matière de compétences clés et de lutte contre l’illettrisme et l’illectronisme ».
Dans son rapport, Thibaut Guilluy indique : « Nous pensons nécessaire de reconduire aux côtés des régions un niveau d’effort équivalent à celui du précédent quinquennat sur la formation des demandeurs d’emploi (actuellement de l’ordre de 2,5 milliards d’euros par an).
Celui-ci devra cependant mieux prioriser les publics les plus éloignés de l’emploi et peu qualifiés d’une part, et les actions destinées à apporter des réponses directes aux entreprises en tension de recrutement d’autre part. »
Afin d’y parvenir, France Travail, en articulation avec les contractualisations État-région, développera les formations préparatoires à l’embauche. Aujourd’hui, on en compte environ 150 000 par an.
La nouvelle entité simplifiera le système en fusionnant les aides individuelles à la formation préalable à l’emploi – POE (préparation opérationnelle à l’emploi individuelle – POEI – et l’action de formation préalable au recrutement – AFPR -).
Pour y parvenir, le haut-commissaire préconise également la levée des freins administratifs et juridiques à leur déploiement.
Vers une plateforme de données et de services numériques communs
La mission recommande en outre la création d’une plateforme de données et de services numériques communs.
Elle devra être à la disposition de tous et se faire avec la participation de tous, avec des services digitaux accessibles, interopérables avec les SI de tous les acteurs.
Le partage de la donnée apparaît aussi comme un élément essentiel du projet. « Notre ambition est de passer d’une situation avec des systèmes d’information isolés à une approche plateforme au service des usagers », justifie Thibaut Guilluy.
Un nouvel outil de formation pour les professionnels de l’emploi, de la formation et de l’accompagnement
Côté professionnels de l’emploi et de la formation, le rapport pointe le poids de l’administratif, la charge des communications de données et les temps de coordination. Aussi, il suggère le renforcement des moyens humains et la simplification des processus, le développement des outils collaboratifs et des services, le partage des expertises et des informations utiles pour les conseillers.
Si le haut-commissaire à l’emploi ne donne pas de chiffre précis concernant les moyens humains, il dénonce que « les pays où les taux de chômage sont les plus faibles comme l’Allemagne (3%) ont un conseiller pour 100 personnes, là où nous en avons un pour 150 pour un taux de chômage à 7.2% ».
Il souligne également la nécessité d’une promesse de gain de temps. C’est pourquoi le dispositif prévoit un nouvel outil de formation pour ces professionnels.
Il s’agit de l’Académie France Travail physique et digitale. Ce dispositif permettrait la mise en commun des ressources pédagogiques d’accompagnement, de formation et d’appui existant dans les réseaux.
Pôle emploi devient « un animateur d’écosystème »
Dans ce nouveau système, Pôle emploi devrait, comme l’a indiqué le Président de la République, se transformer en France Travail. Il serait l’« opérateur » chargé d’organiser « pour le compte de tous et avec tous » ces conditions de la collaboration et de l’efficacité collective, dans le cadre de la gouvernance d’ensemble assurée par l’État, les collectivités et les partenaires sociaux. La mission France Travail entend simplifier les instances décisionnelles.
Elle ambitionne donc de mettre en place une gouvernance duale, simplifiée et territorialisée de l’écosystème de l’emploi, de la formation et de l’insertion.
Pour ce faire, 4 comités France Travail regrouperont les nombreuses instances existantes (plus de 20). Elles correspondront chacune à un échelon territorial d’intervention (local, départemental, régional, national). La gouvernance duale s’exercera par une coprésidence État/collectivité.
Les Missions locales constitueront France Travail Jeunes aux côtés du nouvel opérateur et coanimeraient la mise en œuvre des actions au service des jeunes au sein de France Travail. Cap Emploi, opérateur France Travail Handicap, continuera d’apporter et de développer son expertise et son savoir-faire pour veiller à la meilleure prise en compte possible des situations de handicap.
Le rapport France Travail préconise ainsi, un nouvel écosystème pour 2024.
Une logique d’open data
Le document remis au ministre du Travail, du plein emploi et de l’insertion prévoit un socle commun d’indicateurs suivis aux différents niveaux du réseau France Travail.
Cet outil sera coconstruit et enrichi au fil du temps et en fonction des avancées sur le partage de données. Il respectera une logique de pilotage par les résultats et non par les moyens.
Cela rejoint également la volonté de la mission de mieux connaître les besoins des personnes et des entreprises, ainsi que rendre plus accessible les résultats des actions engagées par le réseau France Travail.
Une feuille de route France Travail à déployer progressivement jusqu’en 2027
Si 19 départements testent déjà les modalités d’accompagnement des allocataires du RSA, les mesures du dispositif seront mises en place progressivement d’ici 2027.
Thibaut Guilluy estime que la mise en œuvre de France Travail implique de mobiliser entre 2,3 et 2,7 milliards d’euros sur la période 2024-2026.
Mise en place au 1er janvier 2024
99 propositions complètent ces dix principes clés. Ils feront l’objet d’un projet de loi qui sera présenté début juin, a annoncé Élisabeth Borne le 26 avril 2023.
Le nouvel organisme sera opérationnel au 1er janvier 2024. À horizon 2027, l’exécutif vise le plein-emploi, soit un taux de chômage à 5 %.