Quels besoins en compétences, en 2040, pour les agriculteurs bretons ?

En 2040, la Bretagne devrait compter, selon une étude prospective des Chambres d’agriculture de Bretagne, deux types d’exploitations agricoles : certaines de très grande taille, d’autres plus petites, orientées vers les circuits courts et souvent en multiactivités. Les profils des agriculteurs se diversifieraient pour atteindre 7 profils différents, allant du néorural avec des pratiques durables à une agriculture de très haute technicité. Comment répondre, tant en formation initiale que continue, à ces futurs besoins en compétences ? Et relever les nombreux défis actuels que rencontre la profession ?

L’agriculture, un secteur économique important en Bretagne

1ère

région de production de lait et de porc

2nde

région de production de volailles

95 000

personnes dans l’agriculture, soit 3,7 % des actifs

26 400

exploitations bretonnes

69 %

d'exploitations agricole d’élevage

37 %

d'exploitations de production laitière

12 %

d'exploitations de grandes cultures et de légumes plein champ

11 %

d'exploitations porcines

Un secteur en proie à de profondes mutations professionnelles, économiques et sociétales

Diminution du nombre d’exploitations, mais augmentation de leur surface, le monde agricole se transforme : diversification des profils agricoles (personnes en reconversion, néoruraux, etc.), hausse du salariat et diminution des emplois familiaux, activités complémentaires (production d’énergies renouvelables, vente directe), nouveaux modes de production (biologique, robotique) et/ou nouvelles cultures, etc.

Pourtant, l’agriculture souffre toujours d’une image dégradée (conditions de travail, agribashing, etc.) et peine à recruter. Une situation qui pèse à la fois sur le renouvellement des générations des actifs agricoles, mais aussi sur la transmission des exploitations. En Bretagne, en 2020, 57 % des agriculteurs ont plus de 50 ans et 39 % des chefs d’exploitation ont plus de 55 ans. Entre 2021 et 2030, il devrait donc y avoir, chaque année, 1 430 chefs d’exploitation à partir en retraite et autant d’exploitation à reprendre. Un vrai défi pour lequel le Conseil régional de Bretagne se mobilise au travers de sa stratégie régionale qui doit aider, chaque année, 1 000 agriculteurs à s’installer d’ici à 2028.  

En complément, de nouvelles formes d’emploi se développent, tels que les groupements d’employeurs ou les services de remplacement, pour atténuer les tensions sur le marché de l’emploi ou répondre aux besoins ponctuels de main-d’œuvre.

Autre défi actuel : l’essoufflement de la filière bio en raison du contexte inflationniste et de départs à la retraite. Des exploitations se déconventionnent tant au national qu’en Bretagne. Pour soutenir cette filière en difficulté, la Région va mettre en place un plan spécifique de maintien à l’agriculture biologique en 2023, avec un engagement de près de 5,5 M€ de crédits Feader et de la Région. Source : La Région Bretagne accorde une aide exceptionnelle au maintien de l’agriculture biologique. In Ouest-France, 14/02/23

Selon la Fédération régionale des agrobiologistes de Bretagne (FRAB), 15% des agricultrices et agriculteurs sont installés en bio et 40% des nouvelles installations se font en bio.

Féminisation, hausse des qualifications : responsable d’exploitation, un métier en évolution en Bretagne

Au dernier recensement agricole, en 2020, la Bretagne compte 36 400 chefs d’exploitation agricoles, un chiffre en diminution de plus de 10 000 personnes en 10 ans. La fonction évolue depuis 2010. La part de femmes à la tête d’une exploitation progresse chez les nouveaux installés. Pour en savoir plus sur l’évolution de la place des femmes en agriculture et les inégalités rencontrées : lire cet article du Monde du 8 mars 2023 et consulter cette infographie bretonne.

Les nouveaux chefs d’exploitation sont également plus jeunes (40 ans en moyenne) et plus diplômés (80 % des nouveaux installés ont le bac, 50 % ont une formation supérieure) que leurs confrères.

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En 2040, 7 profils d’agriculteurs en Bretagne ?

Selon les Chambres d’agriculture de Bretagne, la Bretagne pourrait compter, en 2040, 7 types d’agriculteurs, aux profils et aux univers de travail très différents. Certains profils existent déjà, d’autres sont en cours d’apparition, d’autres encore devraient être minoritaires ou peu probables mais tous éclairent sur la grande diversité de compétences mobilisées par les professionnels, actuels et futurs :

  • L’agriculteur adaptatif propose, autour de l’agroécologie et en fonction de la demande, divers biens et services (bioéconomie, sports, loisirs, énergie renouvelable, etc.). Ce profil, moins marginal qu’actuellement, ne devrait pas être majoritaire à l’horizon 2040.
  • L’agriculteur de précision travaille à une agriculture intensive alliant forte intensité technologique et degré élevé d’automatisation pour répondre aux changements climatiques et à la raréfaction des ressources. Existant déjà actuellement, ce type d’agriculteur va se développer et s’adapter aux mutations d’ici à 2040 (numériques, partage de données, techniques, communication).
  • Exerçant en milieu urbain (sur les toits, en serres ou en pleine terre) et qualifié, l’agriculteur urbain est un nouveau venu dans le monde agricole. S’il existe déjà et devrait continuer à se développer, ce profil pourrait rester minoritaire en 2040.
  • Œuvrant à une agriculture durable orientée vers l’agroécologie et l’agroforesterie, l’agriculteur néorural voit l’agriculture comme une phase dans son parcours d’évolution personnelle. Souhaitant réfléchir sur lui-même et développer de nouvelles compétences, il pourrait exercer ce métier plusieurs années avant de partir à la recherche d’une expérience différente. Des prémices de ce profil existent déjà, mais un accompagnement des porteurs de projets, notamment en termes économiques, est indispensable pour qu’il se développe.
  • Produisant des aliments (légumes, baies, herbes, poisson) frais et locaux en environnement contrôlé et destinés à une clientèle haut de gamme, l’agriculteur hors-sol est un profil actuellement minoritaire. Il pourrait toutefois se développer, pour répondre, à la marge, à des situations précises et extrêmes (pays en manque de surfaces/d’eau ou navettes spatiales).
  • Agronome qualifié ou cadre aux compétences variées, l’agriculteur salarié dirige une succursale agricole pour le compte d’une entreprise agroalimentaire. Futuriste pour 2040, ce profil devrait plutôt émerger autour de 2060.
  • Plus futuriste, l’agriculteur, fabricant de cellules, utilise les protéines animales pour les incuber afin de produire, à grande échelle, des aliments et ingrédients alimentaires « sans animaux ». En cours de développement expérimental, ce profil ne pourra éclore que si la société accepte, même partiellement, d’aller vers ce type d’alimentation.

Quelles évolutions des compétences d’ici à 2040 ?

La diversité des exploitations bretonnes du futur et des profils agricoles engendre un accroissement des besoins en compétences.

Si chacun des 7 profils a des compétences spécifiques à développer, les compétences entrepreneuriales (décryptage des marchés, veille stratégique, etc.) , et de gestion des ressources humaines notamment, comptent parmi les plus importantes pour quasiment tous les profils.

Celles en lien avec les systèmes et les technologies de production sont également majeures. Les agriculteurs du futur devront être en capacité de réaliser, par exemple, le premier entretien de leur matériel ou d’analyser les résultats de leur drone, outils robotiques ou biotechnologiques.

Enfin, d’autres compétences, déjà identifiées en 2009 lors d’une précédente étude des Chambres d’agriculture bretonnes, doivent encore être renforcées, car elles deviennent indispensables pour les agriculteurs : la capacité à utiliser les technologies numériques, à travailler en réseau, et à communiquer (dialogue, pédagogie, réseaux sociaux) avec son environnement et territoire.

La formation, initiale ou continue, est au service de l’acquisition et du renouvellement des compétences des professionnels. Elle aide les agriculteurs à faire des choix adaptés et éclairés pour leur exploitation. Elle est, selon Nicolas Savary, directeur de l’Anefa, un levier essentiel de l’attractivité du secteur. Les réseaux, les groupes d’échanges, les réunions d’information… concourent également au développement des compétences.

À retenir

Que leur exploitation soit petite ou grande, les agriculteurs du futur devront savoir faire des choix stratégiques, être compétents en GRH, connaître et maîtriser leur coût de revient, communiquer avec leur territoire et la société.

Les métiers agricoles recrutent en Bretagne !

L’enquête Besoin de main-d’œuvre (BMO) de 2022 recense 9 750 projets de recrutement bretons, principalement dans le Finistère et les Côtes-d’Armor, dont 66,1 % d’emplois saisonniers. Ces souhaits d’embauche sont perçus, à 71,8 % comme difficilement réalisables au niveau régional.

Agriculteurs salariés, maraîchers, horticulteurs salariés figurent dans les métiers bretons agricoles les plus recherchés par les entreprises.

Cette tension sur le marché de l’emploi agricole devrait continuer à s’accentuer d’ici à 2030, indique l’étude de la Dares « Les métiers en 2030 », en raison de nombreux départs en fin de carrière, et ce, en dépit d’un recul de l’emploi.

Visuel GREF

Source : Métiers 2030 : quelles perspectives de recrutement en région ? Dares, France Stratégie, 01/2023 

 

Au niveau national, le site « L’Agriculture recrute » de l’Anefa compile actuellement plus de 3 600 offres d’emploi, dont plus de 1 600 en Bretagne.

Le renouvellement des générations sera l’un des principaux enjeux de la loi d’orientation agricole qui sera débattue en juin, estime Yves Le Morvan, expert au think tank Agridées.

En Bretagne, de multiples opportunités pour découvrir et se former aux métiers agricoles

En Bretagne, de nombreux partenaires se mobilisent pour proposer aux demandeurs d’emploi, aux jeunes, aux personnes en reconversion, de découvrir très concrètement les métiers agricoles.

Soutenu par la DREETS Bretagne, le dispositif « Voyages en agriculture » de l’Anefa propose de visiter des exploitations de production animale et végétale et de réaliser certaines tâches (traite, conduite de tracteur, soins des végétaux, conditionnement des produits pour la vente, etc.) pour s’immerger dans un quotidien professionnel.

Pôle emploi organise tous les ans, les Journées des métiers de l’agriculture dans 10 régions françaises, dont la Bretagne. Plus de 80 évènements bretons ont eu lieu lors de l’édition 2023.

La Chambre d’agriculture des Côtes-d’Armor, les jeunes agriculteurs, la FDSEA, les centres de formation et d’autres partenaires sont regroupés dans le collectif « Découvrez les métiers verts ». Il vise à promouvoir les métiers de l’agriculture au sens large, à faire découvrir leur diversité et technicité aux collégiens et aux adultes : enseignants, chefs d’établissements, parents, accompagnants et encadrants.

Dernièrement, le Conseil régional de Bretagne a organisé, lors du Salon de l’agriculture, des Agri Days, pour faire connaître les opportunités professionnelles et accompagner les projets de formation et d’installation agricoles en Bretagne. Des découvertes et immersions professionnelles sont également possibles via le dispositif PREPA Projet.

Se former aux métiers agricoles en Bretagne

Le programme QUALIF Emploi du Conseil régional de Bretagne dispose, chaque année, de :

  • 600 places disponibles sur 15 sites en Bretagne pour se former aux métiers de l’élevage, de l’horticulture, du maraichage, du paysage et de la forêt,
  • 225 places sur 10 sites en Bretagne pour préparer le Brevet Professionnel de Responsable d’Entreprise Agricole (BPREA – niveau 4).

Le site de l’Anefa présente, selon les profils (jeune, en reconversion, salariés ou travailleurs saisonniers), différentes modalités de formation.

La liste des formations agricoles disponibles sur le site du GREF Bretagne

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