Violences sexistes au travail. En Europe, 60 % de femmes concernées
Une enquête de l’Ifop menée pour la Fondation Jean Jaurès et la Fondation européenne d’études progressistes révèle que 6 européennes sur 10 ont été, un jour, confrontées au cours de leur carrière professionnelle, à des violences sexistes et sexuelles. 5 000 femmes vivant en Espagne, en France, en Italie, en Allemagne et au Royaume-Uni ont été interrogées en avril 2019. 21 % des participantes ont déclaré avoir été victimes, cette année, d’une manifestation sexiste ou de harcèlement sexuel (18 % des françaises).
Si les contextes culturels et les seuils de tolérance peuvent varier d’un pays à l’autre, l’étude démontre toutefois que « la violence est une réalité quasi quotidienne pour une grande partie des femmes au travail », résume Juliette Clavière, directrice de l’Observatoire de l’égalité de la Fondation Jean Jaurès.
C’est en Espagne et en Allemagne que les femmes se déclarent le plus victimes d’atteintes sexuelles ou sexistes (respectivement 66 % et 68 % contre 55 % des françaises et 60 % pour les européennes). Mais François Kraus, directeur du pôle « Genre, sexualité et santé sexuelle » de l’Ifop met en garde contre toute interprétation hâtive en rappelant que dans ces 2 pays, des politiques publiques volontaristes contre le sexisme et des polémiques nationales récentes ont pu marquer les consciences.
Quelles sont les violences sexistes les plus répandues au travail ? Les violences verbales ou visuelles : sifflements, gestes et/ou remarques déplacées sur la tenue ou le physique… Les violences sexuelles concernent 11 % des européennes et 9 % des françaises. Les contextes professionnels où la mixité est faible, les professions en contact avec un public ou exigeant le port d’une tenue obligatoire constituent des facteurs de surexposition aux risques. Aucun milieu professionnel n’est épargné. Mais certaines catégories de femmes sont plus touchées : les aides familiales (conjointes ou membres de la famille travaillant sans avoir le statut salarié) et les jeunes femmes.
L’agresseur est rarement un responsable hiérarchique : il est le plus souvent un collègue, un fournisseur, un client profitant, selon Marilyn Baldeck, déléguée générale de l’Association européenne contre les violences faites aux femmes au travail (AVFT) « […] de leur situation de pouvoir liée soit à leur ancienneté ou à leur statut dans l’entreprise, ou tout simplement à leur position dominante inhérente à leur condition masculine ».
Alors qu’une majorité de femmes victimes se sont confiées à un proche, seules 9 % à 16 % se sont également adressées, au sein de leur entreprise, à un interlocuteur susceptible de stopper le processus de violences. Les jeunes femmes sont 3 fois plus nombreuses que leurs aînées à oser le faire. Est-ce un signe, deux ans après #MeToo, de la libération de la parole et du changement des mentalités ?